m u l t i p l e s

MELANCHOLIA

 

 

Melancholia   

« Death was everywhere… »

 

 

 

« …in the air and in the sounds »

 

Le son assourdissant d’une planète qui disparaît, s’efface. Tout commence par la fin. La disparition.

La mort.

 

Dernier souffle et dernière image. Puis le néant.

 

 

 

 

1.

C’était l’un de ces sombres jours ennuagés

Qui traversent parfois la flambée de l’été,

Où du ciel rien ne tombe, où la terre est tranquille

Et d’un vert plus profond se revêt la colline.

 

 

 

Ralenti post apocalypse. L’ultime mouvement. L’avant dernier regard.

 

Tout tombe, brûle. Le ciel brûle.

 

Composition. Tableau. Composition d’un monde qui se décompose. Re-construction du réel.

 

 

Tissage. Fils.

 

Noirs.

 

Tissage du réel et des songes, de l’art et de la nature, du visible et de l’invisible. Le corps retenu, tendu, relié. « Ces sombres fils laineux qui m’empêchent d’avancer ».

 

Que je suis le rayon de soleil, je suis les saisons, que je fais partie de la boue du brouillard et de l’aube.

 

Lié.

 

L’homme est lié aux choses, il est au milieu d’elles. S’il se retire en lui-même, ce n’est pas pour congédier tout ce qui n’est pas lui, mais plutôt pour les entraîner avec lui. Transformation du visible en invisible, là où le fait d’être non éclairé n’exprime pas une simple privation, mais l’accès à l’autre côté.

 

 

Lié. A une terre qui se consume. Une terre mauvaise. « Cruel nature as won again »

 

Neige, neige. Noirceur des épicéas. La mort. Je marche comme un fantôme.

 

Car, sauf par la mort, impossible de se lier totalement, de se fondre, de disparaître dans la nature.

 

Je regarde la mer –de loin et de près, je plonge les mains en elle- mais dans son entier elle n’est pas moi, je ne suis pas à elle. Se fondre et se confondre est impossible. Devenir une vague ? Mais alors, je ne l’aime pas ? Rester humain, c’est éprouver éternellement la nostalgie, se tenir éternellement sur la brèche. 

 

Dans l’interstice.

 

 


2.

Deux arbres dans un champ désert

Me chuchotent un sortilège :

Lugubre est le secret que leur sombre ramure

Agite avec solennité.

 

 

 

La vie. Avant la mort. Est une survie. Une guerre.

 

Il va arriver dans le froid de ce monde où il sera seul, séparé des autres, seul il sera, toujours seul et puis, quand tout sera fini, quand son heure sera venue, il se dissoudra et retournera au néant, il retournera d’où il est venu, du néant au néant. 

 

Tout prend un goût de cendre. Sursis. Ténèbres extérieures.

 

 

 

3.

Qu’est-ce que la fumée sans relâche qui roule

Là-bas sur la pente fauve de la colline ?

 

 

 

Déjà mort. La naissance est une mort annoncée.

L’homme, un instantanée, un flash dans le temps aboli de l’espace.

 

Absence. Etre absent aux autres, à soi.

Préfigurer cette absence éternelle d’où l’on vient et où l’on retourne.

 

Présence et force de cette absence. Faiblesse de la chair et de la matière. Il n’est rien de réel qui vaille la peine qu’on se batte, vaille la peine qu’on meure.

 

 

Prémonitions. Contaminations. La mort contamine la vie. L’absence contamine toute présence.

 

Le regard qui voit à travers. Au-delà. « Je sais les choses »

 

Fascination. Fascination devant la mort qui nous éclaire de ses lueurs bleutées. Lumière qui brille sur l’obscur, qui est brillante de cette obscurité devenue apparente. Double lune.

 

La fascination est le regard de la solitude, le regard de l’incessant et de l’interminable, en qui l’aveuglement est vision encore, vision qui n’est plus possibilité de voir, mais impossibilité de ne pas voir, l’impossibilité qui se fait voir, toujours et toujours, dans une vision qui n’en finit pas : regard mort, regard devenu le fantôme d’une vision éternelle.

 

 

 

4.

Comme elle regardait, les nuages de fer

S’écartant, le soleil brilla dans l’intervalle,

Mais étrange lugubrement, et pâle et froid.

 

 

 

Trois planètes. Trois lumières. Jaune, blanc, bleu. Soleil, Lune, Melancholia. Vie, Nuit, Mort.

Tryptique.

 

Trois silhouettes. Trois parties.

 

Tout l’intérêt de ce récit est dans la manière dont s’accomplissent ensemble trois mouvements, dans une certaine mesure distincts et pourtant liés à tel point que leur dépendance demeure cachée.

 

Les trois mouvements sont nécessaires pour atteindre la mort.

 

Mais l’accomplissement est un mouvement insignifiant. Ce qui est fait doit d’abord être rêvé, pensé.

 

 

 

5.

Il ne jettera plus d’éclat,

Sa triste course est achevée :

J’ai vu, du froid soleil brillant,

S’abîmer la lueur dernière.

 

 

 

 

Nuit. Il y a donc d’abord cette nuit. La nuit d’un mariage. Mais savons nous à qu’elle union nous assistons réellement ?

Une cérémonie secrète double la première. Des fils invisibles nous tirent vers une autre union. Contre nature.

L’union d’une femme avec la mort.

 

 

 

 

Elle meurt par l’esprit : par sa présence à elle-même, à ce cœur profond et battant d’elle-même, qui est précisément absence, l’intimité de l’absence, la nuit.

Disparaître. Comme s’il fallait d’abord mourir anonymement. Comme si, avant d’être ma mort, un acte personnel, il fallait que la mort fût la neutralité et l’impersonnalité où rien ne s’accomplit, la toute puissance vide qui se consume éternellement elle-même.

 

Du néant au néant.

 

Comment tenir alors qu’il n’y a plus rien ? Que la nature nous renvoie le reflet de la mort à venir.

Quand tout brûle et disparaît sous nos yeux. Quand un grand dehors apparaît et va emporter avec lui tout ce qui existe ?

 

 

 

6.

Ancien manoir, maintenant ruiné, solitaire,

Maison où la voix de la vie jamais plus ne s’en reviendra,

Salles sans couverts, désolées, où croissent la ronce et le lierre,

Fenêtres aux cintres brisés où les vents de nuit mènent deuil,

Demeure des défunts, des défunts d’un temps révolu.

 

 

 

Inventer encore ? Inventer dans la certitude de la mort. L’invention et la pensée comme jeu avec la mort. Je sais bien que tu m’auras alors je vais jouer à te repousser. 

 

Je vais jouer une dernière fois ce jeu inutile et indispensable de la création.

Une dernière construction. La première.

Précaire, transparente, fragile. Une cabane. Magique.

Un cercle, dernier territoire tracé par l’homme au milieu du chaos. Dernier et premier.

Eternel recommencement.

 

Du néant au néant.

 

Alors la fin au début. Tout revient. Recomposition.

 

Elle perdait certainement la conscience du monde extérieur. Et à mesure qu’elle perdait cette conscience, qu’elle oubliait son propre nom, sa personnalité, son aspect, son esprit, lui, ne s’arrêtait pas de lancer, du fond de ses abîmes, des visions, des noms, des phrases, ainsi que des souvenirs et des idées, à la façon d’une fontaine se dégorgeant sur cet espace blanc qui la confrontait avec ses difficultés hideuses et qu’elle façonnait avec ses verts et ses bleus.

 

Au milieu du chaos il y a la forme ; ce passage, ce flot éternel (elle regarda les nuages s’en aller et les feuilles trembler) était d’un seul coup stabilisé. « Arrête-toi ! » avait-elle dit à la vie.

 

 


Melancholia. Un requiem ?

 

 

 

 

 

 

“as we advancing in the sun

sing “Death to all and everyone”

 

 

 

Extraits :

PJ Harvey / Tsvetaeva / Blanchot / Woolf / Fosse / Emily Jane Brontë  / Hölderlin

 

 

Texte/collage de Nicolas Droin

 

 

 

 

 

 

 

Voudrais-je être une comète ?

Oui. Car elles ont la rapidité des oiseaux,

elles fleurissent en feu

et elles sont en pureté comme des enfants.

 

 

 

 

 

 


07/11/2011


CECI N'EST PAS UN PARC

 

CECI N'EST PAS UN PARC

 

août 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

"-Qu'as-tu vu dans ce parc ?

- rien"

 

Maryon Park, juillet 2009. Visite du parc où fut tourné le film Blow up de Michelangelo Antonioni. Entre présence et absence, ombres et lumières, il n'y a rien à Maryon Park. 

 

Essai vidéo sur l'entre-paysage que constitue le lieu de tournage d'un film, "ceci n'est pas un parc" interroge Maryon Park comme entre-deux, entre fantasme et réalité, entre image et lieu.

 

Je n'ai rien vu à Maryon Park, comme Thomas le photographe, à part peut-être du vent dans les arbres.

 

 

 

 

 

 


28/08/2018


DES SIGNES SUR LES MURS

 

DES SIGNES SUR LES MURS

 

avril 2018

 

 

 

 


 

 

 

Réalisé dans le cadre d'un "cadavre exquis" avec Samy Souiou, "des signes sur les murs" est un essai vidéo

filmé entre Bologne et Montreuil, dans le mouvement d'aller et retour, de proche et de lointain,

qui lie deux êtres.

 

Avec Garance Rigoni.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


28/08/2018


à force de regarder

 

 

à force de regarder

 

 

 

 

 

 

S'inspirant de la forme des haïkus (poèmes japonais), le film est composé de trois plans.

 

Nicolas Droin, janvier 2018.

 

 

 

 

 


30/04/2018


DANS L'ESPACE QUI SEPARE

 

DANS L'ESPACE QUI SEPARE

 

 


 

 

 

 haïku - octobre 2017

 

 

 

 

Dans l’espace qui sépare n’est pas un film. Plutôt un essai.

Des notes, images, pour un plus tard ajourné. Des repérages pour des films passés et à venir.

Comme des esquisses, des traits tirés au hasard des espaces.

Ne serait-ce que ces lieux sont ceux qui me fondent et fondent mon envie de cinéma.

Hors-lieux, entre-lieux, à la marge, ils sont l’espace qui sépare et en cela rapproche.

Montage, éclats, de lieux incompossibles et de films possibles/impossibles.

 

 

 

 

 

 


30/04/2018